Le 11 janvier 2017
Washington
Merci, M. le président. En effet, mes proches sont auprès de moi aujourd’hui : mon épouse Renda, qui pendant plus de 30 ans a tenu le foyer chaleureux qui m’accueillait lorsque je rentrais de mes multiples voyages, ainsi que nos quatre fils et nos cinq petits-enfants ; ma sœur Jo Peters – Jo Lynn Peters, qui a consacré sa vie à l’éducation, enseignante de mathématiques au lycée, professeur de maths, coach, dans le – elle a enseigné de nombreuses années dans le système scolaire public du Texas. Ma sœur Dr Rae Ann Hamilton, médecin de famille à Abilene, Texas, depuis plus de 30 ans ; et enfin mon beau-frère, le juge Lee Hamilton, qui est en train de terminer – ou plutôt qui vient juste d’entamer son cinquième mandat au sein de la magistrature du 104è district des Cours de district fédérales du Texas, à Abilene, Texas. Je suis très reconnaissant de l’amour et du soutien qu’ils m’ont apporté dans tout ce que j’ai entrepris par le passé, et surtout touché qu’ils soient venus d’aussi loin que le Texas pour être avec moi aujourd’hui.
Bonjour M. le président Corker – bonjour à vous tous. Je me sens honoré de bénéficier du soutien du Sénateur Cornyn et du Sénateur Cruz qui sont comme moi du Texas. Je veux aussi remercier le sénateur Nunn pour son engagement en faveur de la non-prolifération nucléaire, sur laquelle il est toujours aussi inébranlable, et M. le secrétaire Gates, pour avoir servi huit présidents américains et pour être lui-même président des Boy Scouts d’Amérique.
M. le président Corker, Cardin, premier membre de la commission, Mesdames et Messieurs les membres de la commission, c’est un honneur pour moi de me présenter devant vous aujourd’hui comme secrétaire d’État désigné par le président-élu Trump, et de solliciter l’approbation de cette commission et du Sénat tout entier pour être confirmé en tant que tel.
Je me présente devant vous à un moment charnière de l’histoire de notre nation et de notre monde. Presque partout où notre regard se porte, les peuples et les nations sont profondément troublés. Les idées anciennes et les règles internationales, bien assimilées, qui influençaient les comportements par le passé, pourraient bien ne plus fonctionner à notre époque. Nous affrontons des menaces considérables dans cet environnement nouveau qui évolue sans cesse. La Chine a émergé dans le commerce mondial en tant que puissance économique et nous avons avec elle des rapports à la fois amicaux et antagonistes. Alors que la Russie cherche à être respectée et pertinente sur la scène mondiale, ses récentes activités ne prenaient pas en compte les intérêts des États-Unis. Quant à l’islamisme radical, même s’il ne s’agit pas d’une idéologie nouvelle, il est odieux et mortifère, c’est une expression non légitime de la foi islamique. Enfin des adversaires comme l’Iran et la Corée du Nord représentent de graves menaces pour le monde, vu leur refus de se conformer aux règles internationales.
Alors que nous affrontons ces réalités, comment les États-Unis devraient-ils réagir? Ma réponse est simple. Pour obtenir la stabilité essentielle à la paix et à la sécurité au 21è siècle, il ne faut pas seulement réformer le leadership des États-Unis, il faut le revendiquer. Nous disposons de nombreux avantages sur lesquels nous pouvons bâtir. Nos alliances sont durables et nos alliés souhaitent que nous redevenions leaders. Nos hommes et femmes en uniforme constituent la meilleure force combattante au monde, et nous représentons – –
[INTERRUPTION DE L’AUDITOIRE]
M. TILLERSON, SECRÉTAIRE D’ÉTAT DÉSIGNÉ: Nos hommes et femmes portant l’uniforme constituent la meilleure force combattante au monde, et nous représentons la première économie mondiale. Les États-Unis sont toujours la destination de choix des gens du monde entier car nous sommes réputés pour nos actes de bienfaisance et d’espoir envers notre prochain. Les États-Unis ont joué un rôle crucial en assurant la stabilité nécessaire pour éviter une nouvelle guerre mondiale, accroître la prospérité à l’échelle globale et encourager l’essor des libertés.
Historiquement, notre rôle dans le monde a aussi donné plus de place à un leadership moral. Dans le domaine des affaires internationales, la bonne volonté dont les États-Unis ont fait preuve à l’égard du monde est unique en son genre. Au travers de notre politique étrangère, nous devons continuer à démontrer notre engagement pour les libertés individuelles, la dignité humaine et les actions fondées sur des principes moraux. C’est bien simple, nous sommes la seule superpuissance mondiale qui dispose des moyens et du sens moral lui permettant de façonner le monde durablement. Si nous ne guidons pas le monde, nous risquons de le plonger encore plus dans la confusion et le danger.
Et pourtant, nous avons vacillé. Ces dernières décennies, nous avons permis que le leadership des États-Unis soit mis en doute. Dans certains cas, nous nous sommes retirés de la scène mondiale. Dans d’autres, nous sommes intervenus avec de bonnes intentions, mais nous n’avons pas réussi à installer la stabilité et la sécurité mondiale que nous visions. Au contraire, nos actions, ou notre absence d’action, ont déclenché une multitude de conséquences non souhaitées et créé un vide plein d’incertitude. Aujourd’hui, nos amis veulent toujours nous aider, mais ils ne savent pas comment. Pendant ce temps, nos adversaires se sont enhardis et ont profité de cette absence de leadership américain.
Au cours de cette campagne, le président-élu Trump a proposé un nouvel engagement audacieux visant à promouvoir les intérêts des États-Unis dans notre politique étrangère. J’espère pouvoir expliquer ce que signifie cette approche et comment je la mettrais en place si j’étais confirmé en tant que secrétaire d’État. Les Américains saluent ce dévouement renouvelé à l’égard de la sécurité, de la liberté et de la prospérité des Américains. Mais un nouveau leadership n’est pas complet si le leader ne rend pas de comptes. Si nous ne commençons pas par rendre des comptes nous-mêmes, nous ne pourrons pas être crédibles lorsque nous l’exigerons de nos amis et de nos adversaires. Nous devons nous astreindre à tenir les promesses que nous faisons à autrui. Des États-Unis en qui on peut avoir confiance, voilà l’essentiel pour soutenir nos partenaires, atteindre nos objectifs et garantir notre sécurité.
De même nous devons demander des comptes à nos alliés concernant leurs engagements. Nous ne pouvons pas détourner le regard si des alliés ne remplissent pas leurs obligations. Ce serait une injustice non seulement pour nous, mais aussi pour nos amis de longue date qui tiennent leurs promesses et renforcent notre propre sécurité nationale, tels qu’Israël. Quant à ceux qui ne sont pas nos amis, nous devons aussi les tenir responsables des accords qu’ils ont passés. Le fait que nous en ayons été incapables ces dernières décennies a terni notre position et encouragé les mauvais joueurs, dans le monde entier, à revenir sur leur parole.
Nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer les violations de traités internationaux, comme nous l’avons fait avec l’Iran. Nous ne pouvons plus accepter les promesses creuses, comme celles de la Chine, qui devait faire pression sur la Corée du Nord pour qu’elle engage des réformes, avant de reculer devant les mesures nécessaires. Faire mine de rien alors que la confiance a été brisée ne fait qu’encourager ce type d’agissements – il s’agit d’en finir. Nous ne pouvons pas rendre des comptes, cependant, si nous ne sommes pas sincères et honnêtes dans nos rapports aux autres. Comme vous le savez sûrement, chez les Boy Scouts d’Amérique, avec lesquels je suis engagé de longue date, un de nos idéaux fondamentaux est l’honnêteté. D’ailleurs le serment des Boy Scouts commence par « Sur mon honneur ». Cette honnêteté doit sous-tendre notre politique étrangère.
En particulier, nous devons être honnêtes au sujet de l’islamisme. C’est à juste titre que nos concitoyens sont de plus en plus inquiets au sujet de l’islamisme radical et des actes meurtriers commis en son nom contre les Américains et leurs amis. L’islamisme représente une grave menace pour la stabilité des nations et le bien-être de leurs citoyens. Les puissantes plateformes multimédias numériques permettent désormais à l’État islamique, à Al-Qaïda et à d’autres groupes terroristes de propager une idéologie toxique qui va totalement à l’encontre des valeurs du peuple américain et de tous les peuples du monde qui respectent la vie humaine.
Ces groupes sont souvent favorisés et encouragés par des nations, des organisations et des individus partisans de leur cause. Ces acteurs doivent subir les conséquences de leur complicité avec un mouvement qu’on ne peut qualifier que de malfaisant. La mesure la plus urgente pour contrecarrer l’islamisme radical, c’est de vaincre l’EI. Le Moyen-Orient et les régions voisines posent de nombreux problèmes qui demandent toute notre attention, notamment en Syrie, en Irak et en Afghanistan. En fait il existe dans cette région une série de problèmes, tous plus urgents les uns que les autres. Ils doivent être résolus, et le seront – mais ils ne doivent pas nous distraire de notre priorité absolue, qui est de vaincre l’EI. En effet, quand tout est prioritaire, plus rien n’est prioritaire. Vaincre l’EI, voilà notre vraie priorité au Moyen-Orient.
Éradiquer l’EI constituerait le premier pas réduisant la force de frappe d’autres groupes et individus déterminés à attaquer notre patrie et nos alliés. La chute de l’EI nous permettra aussi de focaliser notre attention sur d’autres agents de l’islamisme radical, comme Al-Qaïda, les Frères musulmans ou certains éléments au sein de l’Iran. Mais nous ne pouvons pas les vaincre uniquement sur le champ de bataille. Il faut que nous gagnions la guerre des idées. Si je suis confirmé, je m’assurerai que le département d’État contribue à soutenir les musulmans du monde entier qui rejettent l’islamisme radical sous toutes ses formes.
Nous devons aussi reconnaître certaines réalités au sujet de la Chine. La construction d’îles par ce pays, dans le sud de la mer de Chine, constitue une mainmise illégale sur des territoires contestés, sans aucun respect des règles internationales. Quant aux pratiques économiques et commerciales de la Chine, elles ne respectent pas toujours ses propres engagements à l’égard de traités internationaux. La Chine vole notre propriété intellectuelle, elle est agressive et expansionniste dans le domaine numérique. Elle ne s’est pas montrée un partenaire fiable lorsqu’il s’agissait d’user de toute son influence pour juguler la Corée du Nord. Par contre la Chine a démontré sa volonté d’agir sans modération dans la poursuite de ses propres objectifs, entrant parfois en conflit avec les intérêts américains. Or nous devons agir en fonction de ce que nous constatons, pas de ce que nous souhaitons.
Ceci dit, nous devons aussi contempler les aspects positifs de notre relation avec la Chine. Les bien-être économiques de nos deux nations sont profondément interconnectés. La Chine est un allié précieux pour endiguer certains éléments de l’islamisme radical. Nous ne devons pas permettre que nos désaccords sur certains autres points nous empêchent de trouver des terrains d’entente pour des partenariats efficaces.
Quant à la Russie, nous devons également nous montrer lucides dans notre relation avec elle. La Russie constitue un véritable danger. Mais elle n’est pas imprévisible, dans la mesure où elle met ses propres intérêts en avant. Elle a envahi l’Ukraine, après avoir annexé la Crimée, et elle a soutenu les forces syriennes, qui violent brutalement le droit de la guerre. Nos alliés de l’OTAN ont raison de s’alarmer face à cette Russie renaissante.
Notons que c’est pendant l’absence de leadership américain que cette porte est restée ouverte, que des signaux ont été involontairement envoyés. Nous sommes revenus sur des promesses que nous avions faites à nos alliés. Nous avons adressé des signaux faibles, ou ambigus, où les lignes rouges devenaient des feux verts. Nous n’avons pas su comprendre que la Russie avait une tout autre façon de penser que nous.
Même si, à elles seules, les paroles ne peuvent pas balayer l’histoire mouvementée et parfois controversée des relations entre nos deux nations, nous avons besoin de maintenir avec la Russie un dialogue ouvert et franc au sujet de ses ambitions, afin de savoir nous-mêmes quelle route prendre. Là où la coopération avec la Russie reste possible, fondée sur des intérêts communs, par exemple pour lutter contre la menace terroriste à l’échelle globale, nous nous devons d’explorer ces options. Là où d’importants différends persistent, nous devons être fermes et défendre l’intérêt des États-Unis et de leurs alliés. La Russie doit savoir que nous rendrons des comptes concernant nos engagements et de ceux de nos alliés, et qu’elle-même doit rendre compte de ses actions.
Notre approche des droits de l’homme commence par la reconnaissance que le leadership des États-Unis exige une grande transparence morale. Lorsqu’il s’agit de défendre les droits de l’homme dans le monde, nous n’avons pas de choix cornélien à faire. Nos valeurs se confondent avec nos intérêts lorsqu’il s’agit des droits de l’homme et d’aide humanitaire. Certes, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que chaque action de politique extérieure soit guidée uniquement par des considérations relevant des droits humains, surtout lorsque la sécurité des Américains est en jeu. Mais le fait d’être leaders exige de nous des actions spécifiquement orientées vers l’amélioration des conditions de vie des personnes dans le monde entier, et ce grâce à deux outils de politique étrangère, d’une part l’aide humanitaire et d’autre part, si nécessaire, les sanctions économiques.
Enfin nous devons adhérer à des principes de responsabilité. Notre récent rapprochement avec le gouvernement cubain ne s’est pas accompagné de concessions significatives sur les droits de l’homme. Nous ne les avons pas tenus responsables de leur comportement. Leurs dirigeants ont reçu plus que leur part, leur peuple très peu. Cette situation ne favorise ni les intérêts des Cubains ni ceux des Américains.
Abraham Lincoln a déclaré que les États-Unis étaient le « dernier grand espoir sur Terre ». Si nous voulons continuer à agir comme un vecteur de liberté pour l’humanité, notre lanterne morale ne doit pas s’éteindre. Soutenir les droits de l’homme dans le cadre de notre politique étrangère est un point crucial pour proclamer nettement aux yeux du monde ce que représentent les États-Unis d’Amérique.
Pour conclure, soyons fiers aussi des idéaux qui nous définissent et des libertés que nous avons arrachées au prix fort. Ce sont l’ingéniosité, les idées et la culture des Américains qui nous ont précédés qui ont fait des États-Unis la plus grande nation de l’histoire. Ce sont aussi leurs sacrifices. Nous ne devons jamais oublier que nous reposons sur les épaules de ceux qui ont beaucoup sacrifié, voire tout sacrifié dans certains cas. Il s’agit notamment de nos soldats tombés au champ d’honneur, de nos agents en poste à l’étranger ainsi que d’autres Américains présents sur le terrain, qui ont également tout donné pour leur pays.
Si je suis confirmé, lorsque je servirai le Président et le peuple américain, je m’efforcerai de susciter la confiance des dirigeants et des gouvernements étrangers, et je mettrai en place des accords qui favoriseront les objectifs et les intérêts de la politique étrangère américaine. Le secrétaire d’État travaille pour le Président, cherchant à mettre en œuvre ses objectifs de politique étrangère. Pour y parvenir, je dois travailler coude à coude avec mes collaborateurs et tous les services et agences concernés de l’administration, afin d’obtenir un consensus. Mais je voudrais aussi souligner que conserver la confiance du Président implique de conserver celle du peuple, ce qui implique à son tour de garder foi en ses représentants élus. Je veux que tous les membres de cette Commission sachent que, si j’étais confirmé, j’écouterais vos remarques et celles de vos équipes, et je collaborerais avec vous dans le but de réaliser de grandes choses pour le pays que nous aimons nous.
Je suis ingénieur de formation. J’essaie de comprendre les faits, de suivre leurs conséquences, bref d’appliquer un esprit logique à toutes les affaires internationales. Nous devons voir le monde tel qu’il est, nous devons avoir des priorités claires et comprendre que notre pouvoir est considérable, mais pas illimité. À chaque fois que possible, nous devons construire des voies vers de nouveaux partenariats et renforcer les anciens liens qui se seraient effilochés.
Si je suis confirmé, j’ai l’intention de mener une politique étrangère conforme à ces idéaux. Nous ne demanderons jamais pardon pour ce que nous sommes ou ce que nous chérissons. Nous verrons le monde tel qu’il est, nous serons honnêtes avec nous-mêmes et avec le peuple américain, nous examinerons les conséquences logiques des faits, et nous serons responsables envers nous-mêmes et envers autrui.
Merci pour votre attention, je répondrai avec plaisir à vos questions.