1. Pouvez-vous nous présenter brièvement votre parcours professionnel?

Je suis née à Chicago dans l’Illinois. J’ai vécu à Nashville dans le Tennessee, avant de déménager avec ma famille à Fargo, dans le Dakota du Nord, où j’ai obtenu mon diplôme d’études secondaires. Fargo était un endroit spécial pour grandir, car il était très convivial pour les familles, sûr et doté d’excellentes écoles publiques. En fait, ma grand-mère, dont je porte le nom, a enseigné la géographie et les sciences sociales dans les écoles publiques de cette ville pendant quatre décennies. Elle a même été mon professeur de géographie en septième année. Après le lycée, je suis allée au Carleton College, à Northfield, MN, où j’ai obtenu une licence en relations internationales avec mention très bien. Après avoir vécu un an à Minneapolis, dans le Minnesota, j’ai déménagé à Cambridge, dans le Massachusetts, pour aller à la Kennedy School of Government de l’université Harvard, où j’ai obtenu une maîtrise en politique publique. J’ai rejoint le département d’État en 1990 en tant que ‘’Presidential Management Fellow’’ et j’ai travaillé au Bureau politico-militaire, mais j’ai rapidement rejoint le ‘’Foreign Service’’ où mon premier poste était au Caire, en Égypte. J’ai appris l’arabe égyptien avant d’être affecté là-bas, c’est pourquoi vous m’entendrez souvent parler « Al Masry ». Depuis mon entrée dans le service extérieur, j’ai été affecté en Égypte, en France, en Tunisie, au Maroc (avec un bref passage en Libye), en Colombie et maintenant en Mauritanie. J’ai passé la moitié de mes 32 années au Département d’État à Washington, DC, dans les Bureaux du anti-terrorisme, des affaires du Proche-Orient et des affaires de l’hémisphère ouest, ainsi qu’au Centre d’Opérations et au Secrétariat exécutif où j’accompagnais le Secrétaire d’État au cours de ses voyages nationaux et internationaux. J’ai eu le plaisir de travailler avec Madeleine Albright lorsque je travaillais au Secrétariat exécutif et j’ai visité plus de 20 pays au en six mois seulement. Je vis maintenant à Nouakchott avec mes quatre chats mauritaniens que j’ai adoptés, quand ils sont apparus un jour dans mon jardin avec leur maman. Ils devaient savoir que j’avais adopté quatre chats au Maroc lorsque j’y vivais aussi!
2. Vous êtes en Mauritanie depuis plus d’un an en Mauritanie. Comment trouvez-vous le pays, sa culture et ses habitants ?
Avant de venir en Mauritanie, des personnes à Washington DC m’ont dit qu’il fallait s’attendre à un beau pays riche en ressources naturelles et en paysages avec des gens généreux et hospitaliers. Malgré cela, j’ai été agréablement surprise de voir à quel point j’apprécie mon séjour ici. Ma mère et moi-même avons eu le plaisir de nous rendre à Chinguetti et à Ouadane, où nous avons beaucoup appris sur la riche histoire de ce carrefour de l’apprentissage et du savoir. A Ouadane, nous avons pu découvrir le paysage fascinant en montant au sommet de Guelb Richat (l’œil de la Terre). J’ai également visité les parcs nationaux du Banc d’Arguin et de Diawling, qui sont des endroits magnifiques à visiter, pour observer la faune et la flore et se détendre. J’ai également eu l’occasion de déguster les fruits de mer de Nouadibou et de voir le magnifique littoral du Cap Blanc. J’ai trouvé que la Mauritanie avait des paysages très intéressants et une histoire incroyablement riche. Et c’est vrai ce que l’on dit sur le fait que les Mauritaniens sont légendaires pour leur hospitalité. J’ai apprécié tant le thé que les conversations, ainsi que les nombreux repas exquis, qui m’ont été offerts depuis mon arrivée ici il y a plus d’un an.
3. Comment les relations américano-mauritaniennes se sont-elles développées depuis votre arrivée dans le pays ?
Les relations entre les États-Unis et la Mauritanie sont le fruit d’un partenariat solide, fondé sur la confiance, les intérêts partagés et les objectifs communs. Depuis mon arrivée, je suis fier de dire que les Etats-Unis et la Mauritanie ont travaillé en étroite collaboration sur un nombre croissant de priorités et de projets. Je vais souligner quelques-uns de ces partenariats : En mars de cette année, le gouvernement américain, en partenariat avec le ministère de la Justice et le Commissariat aux droits de l’homme, a soutenu les efforts des forces de l’ordre mauritaniennes pour identifier et renvoyer les cas de traite des êtres humains devant la justice mauritanienne. Dans le domaine de la santé, le gouvernement américain a fait don de plus de 1,8 million de doses du vaccin COVID-19 à la Mauritanie, et nous continuons à travailler avec le ministère de la santé pour d’autres livraisons. Aussi, en octobre dernier, la Mauritanie a accueilli le visiteur le plus haut placé du gouvernement américain, le Principal conseiller adjoint à la sécurité nationale, Jonathan Finer. La visite de Finer a souligné notre soutien au renforcement des réformes générales en cours en Mauritanie. Outre la visite de M. Finer, nous avons également accueilli plusieurs autres visiteurs de haut niveau cette année, notamment le commandant adjoint de l’AFRICOM, le général Smith, ainsi que l’ambassadeur itinérant pour la liberté religieuse internationale, Rashad Hussain. Toutes ces visites montrent l’importance que les États-Unis accordent à leurs relations avec la Mauritanie.
4. En tant qu’Ambassadeur, quelles sont vos priorités pour les relations bilatérales entre les Etats-Unis et la Mauritanie ?
Nos objectifs à la mission américaine en Mauritanie sont de voir la Mauritanie devenir plus sûre, plus démocratique et plus prospère, ce qui renforce le statut de la Mauritanie en tant que partenaire stable et important pour les États-Unis dans la région. Pour y parvenir, nous nous appuyons sur une base solide de coopération bilatérale en cherchant à soutenir les efforts du gouvernement, du secteur privé et de la société civile mauritanienne, pour accroître les opportunités économiques, renforcer les institutions démocratiques et promouvoir la tolérance et les droits de l’homme.
5. Vous êtes devenu Ambassadeur en Mauritanie en 2021, au plus fort de la pandémie de COVID-19. Quel regard portez-vous sur la gestion de la pandémie par la Mauritanie?
Les États-Unis ont été l’un des premiers pays à aider la Mauritanie à faire face à ce qui était au départ une maladie sans vaccin. En 2021, nous avons aidé la Mauritanie à acquérir 3 000 supports de transport viral (VTM – difficiles à trouver) et des centaines de milliers d’équipements de protection individuelle (EPI). Les VTM sont des fournitures de test essentielles qui ont aidé la Mauritanie à détecter, prévenir et répondre à la menace du COVID-19. Les EPI ont aidé la main-d’œuvre et les premiers intervenants à effectuer des interventions vitales en toute sécurité.
Lorsque le vaccin a été développé, les États-Unis ont mis à la disposition du monde des milliards de doses de COVID-19 par le biais de l’initiative COVAX. A ce jour, les Etats-Unis ont fait don de 1 843 410 doses de COVID-19 à la Mauritanie. Il s’agit d’une combinaison de doses Astra Zeneca, Johnson & Johnson et Pfizer. Ces vaccins ont permis à la Mauritanie de se positionner comme l’un des pays les plus vaccinés d’Afrique.
En outre, sur le plan non vaccinal, les États-Unis ont fourni à la Mauritanie 6,3 millions de dollars en guise de soutien au mécanisme de réponse au COVID-19 (C-19 RM), ce qui a aidé la Mauritanie à atténuer l’impact du COVID-19 sur trois maladies soutenues par le Fonds mondial, le SIDA, la tuberculose et le paludisme. Grâce à cet effort, la Mauritanie va améliorer sa production locale d’oxygène, renforcer ses capacités de lutte contre la COVID-19 par des formations ciblées, et acquérir des fournitures et équipements médicaux essentiels à sa réponse à cette maladie. Enfin, l’ambassade est fière de travailler en étroite collaboration avec le Ministère de la santé sur le programme de formation en épidémiologie de terrain, avec un financement de 620 000 dollars en provenance du ‘’Centers for Disease Control’’, afin d’améliorer la capacité de la Mauritanie à prévenir, détecter et répondre aux crises sanitaires.
6. L’Ambassade des États-Unis a considérablement investi dans des projets pour la jeunesse (Tamkeen : 7 millions de dollars et Nafoore : 17 millions de dollars). Quels sont les résultats que vous escomptez de ces initiatives ?
La pandémie mondiale (Covid-19) a répandu l’isolement, ce qui a été dur pour tous, Américains et Mauritaniens. A cela s’ajoute l’agression de la Russie contre l’Ukraine qui a eu des effets sérieux sur l’importation de blé et a contribué à l’augmentation de l’inflation, ce qui ne facilite pas les choses pour la jeunesse mauritanienne. Les jeunes de moins de 35 ans représentent 70% de la population mauritanienne et représente le plus grand potentiel de son capital humain. Et selon des études récentes, les jeunes défavorisés manquent d’emploi ou d’opportunités d’emploi, et souffrent du manque d’un environnement favorable et propice. En dépit de tout cela, les jeunes veulent contribuer de manière productive au développement de leur société. L’Ambassade américaine reconnaît le grand potentiel des jeunes mauritaniens et souhaite les soutenir de la manière la plus productive possible.
Le programme Nafoore de l’USAID (qui signifie « valeur ajoutée » en pulaar) vise à accroître la capacité des jeunes vulnérables à résister à la radicalisation et à l’extrémisme en encourageant la formation professionnelle et la création de réseaux de soutien pour les jeunes. Parmi les résultats du projet, nous pouvons citer, un accès accru à des opportunités d’emploi durables, des formations sur l’atténuation des conflits, un soutien psychosocial et des espaces inclusifs et conviviaux pour les jeunes.
Le programme Tamkeen de l’USAID (qui signifie « autonomisation » en arabe) renforcera la capacité de la jeunesse mauritanienne à mener un changement civique positif par le biais d’une formation sur les compétences en leadership et la création de réseaux axés sur la jeunesse qui encouragent leur engagement civique. Les résultats comprendront le soutien de mécanismes locaux pour les parties prenantes afin de faire progresser la cohésion sociale, la création d’une plateforme axée sur l’apprentissage, ainsi que la lutte contre les campagnes d’informations erronées et la désinformation.
Nous nous réjouissons des possibilités de coordination avec d’autres activités axées sur la jeunesse, ainsi que l’adaptation de ces activités, dans la mesure du possible, afin d’obtenir un impact positif maximal sur la jeunesse mauritanienne. La Mauritanie a beaucoup de ressources et beaucoup de potentiels.
7. L’Ambassade des Etats-Unis en Mauritanie a travaillé pour combattre la corruption en Mauritanie. Pourriez-vous décrire certaines des mesures concrètes que l’Ambassade a entreprises dans ce domaine?
L’ambassade des États-Unis soutient pleinement les efforts du président Ghazouani pour lutter contre la corruption, accroître la transparence du gouvernement et réduire les financements illicites. Comme indiqué dans la toute première stratégie américaine de lutte contre la corruption, publiée en décembre dernier, les ambassades américaines ont fait de la lutte contre la corruption une priorité dans le monde entier. Nous avons amélioré nos processus de gestion des risques liés à l’aide étrangère, et nous avons soutenu la capacité et la volonté des gouvernements partenaires à lutter contre la corruption. Plus précisément, au cours de l’année prochaine, le gouvernement américain prévoit d’aider les groupes de la société civile locale à mieux défendre la transparence fiscale en Mauritanie.
8. Alors que la violence au Sahel continue de s’accroître, quel rôle la Mauritanie jouera-t-elle dans la stratégie Américaine dans la région ?
Au cours des onze dernières années, la Mauritanie a été une oasis de stabilité dans un Sahel de plus en plus fragile. Les États-Unis applaudissent le rôle de la Mauritanie dans la lutte contre l’extrémisme violent et les activités terroristes à l’intérieur de ses frontières. Parce que nous considérons la Mauritanie comme un acteur important dans le renforcement de la sécurité régionale, nous avons investi massivement dans les capacités des forces armées et de sécurité de la Mauritanie par le biais d’un solide programme de coopération. L’année dernière, les États-Unis ont fourni un laboratoire d’anglais au Collège de défense du G5 Sahel, ont conclu un programme de soutien pluriannuel de 14,9 millions de dollars au profit du bataillon mauritanien au sein de la force de défense du G5 et nous avons envoyé des officiers militaires mauritaniens suivre des programmes avancés dans des institutions militaires américaines d’élite par le biais du programme international d’éducation et de formation militaire. L’engagement de la Mauritanie à sa propre défense ainsi qu’à la stabilité de la région est la clé de la paix future et de la réduction de la violence. Les États-Unis continueront à aider la Mauritanie à atteindre ces objectifs vitaux.
9. Malgré sa relative stabilité politique et sécuritaire, la Mauritanie reste classée par le gouvernement américain comme étant un pays à « haut risque ». Êtes-vous d’accord avec cette classification sur la base de votre connaissance du pays?
En fait, la Mauritanie est actuellement classée au même titre que de nombreux autres pays, dont le Guatemala, l’Arabie saoudite et le Japon. Le département d’État réévalue et modifie ces classifications de voyage selon les besoins. Vous pouvez avoir plus d’information sur les conseils aux voyageurs du gouvernement américain sur le site : travel.state.gov.
10. L’exploitation gazière offrira à la Mauritanie un avenir prometteur en tant qu’État exportateur du gaz. Quel est votre point de vue sur ce développement et comment pensez-vous que la Mauritanie pourrait tirer le meilleur profit des découvertes du gaz et du pétrole pour soutenir le développement national ?
La production d’hydrocarbures a certainement la capacité de transformer l’économie mauritanienne au cours de la prochaine décennie. D’après ce que j’ai vu, cet objectif est en train de se réaliser avec la mise en œuvre de la phase 1 du projet Greater Tortue Ahmeyim (GTA) exploité par BP et par la société américaine Kosmos Energy. En plus des projets pétroliers et gaziers, le gouvernement américain et le secteur privé américain se réjouissent du fait que la Mauritanie s’impose comme un leader en matière d’énergie renouvelable sur le continent. En tirant profit de ses ressources naturelles et de sa géographie singulière, et en s’associant à des entreprises internationales, l’énergie solaire et éolienne pourrait faire de la Mauritanie un exportateur d’énergie propre. Plus important encore, ces projets d’énergie renouvelable, associés au projet GTA, pourraient fournir une électricité bon marché et fiable dans toute la Mauritanie et permettre à de nouvelles industries de se développer. Et, lorsque la Mauritanie commencera à percevoir des revenus importants de ces projets, l’ambassade des États-Unis soutiendra les efforts visant à garantir que tous les Mauritaniens bénéficient de ces richesses.
11. Votre accréditation en tant qu’Ambassadeur en Mauritanie, il y a un an, a coïncidé avec le lancement du journal ‘’The Key’’. Que représente ce journal pour vous et pour votre Ambassade ?
Je ne saurais trop insister sur l’importance que les Américains accordent au premier amendement de notre Constitution. Celui qui parle de la liberté de la presse et de la liberté d’expression. L’existence d’une presse libre, avec des journalistes bien formés pour analyser et expliquer et qui font des recherches et des reportages sur des sujets importants pour le public, est une chose essentielle au bon fonctionnement d’une démocratie. La liberté de la presse est importante car, sans elle, le public ne saurait ce qui se passe dans ses communautés et dans son pays. Une presse libre informe les électeurs et la démocratie ne prospère que quand les électeurs sont bien informés. Pour toutes ces raisons, j’applaudis votre initiative, ainsi que le travail acharné de tous les journalistes de Mauritanie. En outre, un journal en langue anglaise s’aligne bien sur les efforts de l’Ambassade visant à promouvoir les capacités des jeunes mauritaniens en langue anglaise, en les aidant à communiquer dans la première langue du monde d’aujourd’hui tout en développant leurs compétences techniques et professionnelles. Je vous félicite pour vos efforts et vos réalisations au cours de l’année dernière en tant que seul journal de langue anglaise en Mauritanie.